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Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, qui a laissé exsangues de nombreuses villes normandes, il faut reconstruire. Le choix est fait de ne pas reproduire à l’identique mais de saisir l’opportunité de moderniser la France. Longtemps mal-aimée, décriée ou pire ignorée, l’architecture d’après-guerre, dite de la Reconstruction, fait depuis plusieurs années l’objet d’un regain d’intérêt. Un label a même vu le jour en 2019 : « Patrimoine de la Reconstruction en Normandie ». Quelles sont les villes les plus emblématiques à visiter ? On vous en dit plus.

Les grands principes de la Reconstruction

Après la victoire, il faut panser les plaies et effacer les stigmates. La population a souffert des bombardements massifs qui ont parfois rasé à plus de 80% certaines villes comme Le Havre, Caen ou Saint-Lô. Les destructions sont à déplorer sur l’ensemble du territoire français. La Reconstruction devient ainsi « grande cause nationale ». L’Etat prend en charge l’ensemble des dépenses. Il y voit une opportunité de moderniser la France. On transforme, on modernise mais on ne refait pas à l’identique. Trois grands courants architecturaux marquent la rupture : le régionalisme (comme aux Andelys, dans l’Eure), le classicisme structurel (Le Havre d’Auguste Perret) qui bien que très moderne fait le lien avec le passé, et enfin l’avant-garde et ses immeubles courbes, ses nouvelles formes et conceptions (Caudebec est un bon exemple). Les premiers ensembles sortent de terre vers 1950. Ils ouvrent la voie à des changements sociaux. A l’intérieur des habitations, de grands designers, tels que René Gabriel ou Marcel Gascoin, produisent du mobilier adapté à ces nouvelles constructions, qu’il s’agisse du mobilier d’urgence des baraquements ou bien du mobilier des logements définitifs.
A Vire, dans le Calvados, la mairie est classée au titre des Monuments historiques : il s’agit du premier hôtel de ville de la Reconstruction à bénéficier de ce classement. Notez le bas-relief qui orne sa façade. Il est intitulé Allégorie de la Ville de Vire renaissant de ses ruines.

Caen, bas reliefs, avenue du 6 juin
Caen, bas reliefs du bâtiment de la CAF, avenue du 6 juin © Pauline Medhi / Caen la mer Tourisme

Focus sur le label Patrimoine de la Reconstruction en Normandie

Label Patrimoine de la Reconstruction en Normandie

Les communes détentrices du label s’engagent à faire changer le regard porté sur ce patrimoine au travers d’actions de sensibilisation auprès du public (expositions, visites guidées, etc.) et de préservation. A ce jour, 7 villes sont labellisées : Flers, Trévières, Caen, Le Havre, Les Monts-d’Aunay, Saint-Lô, Saint-Hilaire-du-Harcouët. Mais d’autres devraient suivre très prochainement. Quand on parle Reconstruction, on a tout de suite en tête l’exemple du Havre qui a su mettre en valeur son patrimoine exceptionnel. Citons l’appartement témoin Perret (3/4 visites quotidiennes), la maison du patrimoine ou bien le 17e étage de l’hôtel de ville dédié à la visite (la vue sur le centre-ville reconstruit par Perret, classé à l’Unesco, est époustouflante). A Trévières, petite ville du secteur Isigny-Omaha, le passé est encore bien présent, à l’image de la statue du monument aux morts « défigurée » lors de la Seconde Guerre mondiale et maintenue en place pour le souvenir. Plusieurs visites guidées ont lieu dans l’année. Vous découvrirez notamment l’architecture typique d’après-guerre de son cinéma. Dans la Manche toujours, plusieurs visites « Saint-Hilaire-du-Harcouët, ville détruite, ville reconstruite » vous permettent d’aborder l’approche urbanistique. Si le sujet de la Reconstruction vous intéresse, autant dire que vous êtes au bon endroit en Normandie.

3 questions à Patrice Gourbin

Maître de conférences Docteur « histoire et cultures architecturales » à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Normandie – a participé à la mise en place du label Patrimoine de la Reconstruction en Normandie et fait partie du comité de labellisation.

La Reconstruction dans les grandes lignes, les choses à retenir
Il s’agit là d’un processus de transformation et non de reconstitution à l’identique, un renouveau. On met en place ce que l’on rêvait de faire depuis 50 ans. A l’époque, on est en retard du point de vue du confort et de l’hygiène. Le réseau d’eau et d’assainissement est notamment revu. Un ministère de la Reconstruction et de l’urbanisme voit le jour. Toute la France a été détruite.
La Reconstruction est un lieu d’expérience. Il y a une vraie ambition, les matériaux sont souvent luxueux et les constructions onéreuses parfois. Elle va mettre du temps (de 1947 à 1955), plus de temps que ne l’auraient souhaité les sinistrés (dans les centres-villes essentiellement).

En Normandie, par où commencer ?
Toutes les villes importantes sont sinistrées. Il faut avoir à l’esprit la diversité de laReconstruction. Aucune ville ne ressemble au Havre, qui est vraiment atypique. Caudebec-en-Caux est assez représentative de la qualité des matériaux, de dessin, avec sa barre moderniste. Lisieux oscille entre des constructions assez traditionnelles et plus modernistes.

Des visites de musées (expositions pérennes) ou guidées à conseiller ?
A Saint-Lô et Vire, des expositions sur l’histoire de la ville et des parcours dans les musées intègrent la thématique. Des visites guidées ont également lieu à Trévières, Aunay-sur-Odon et Flers. Et bien sûr, la visite de l’appartement témoin du Havre fait figure d’incontournable.
Et de conclure joliment : « le label permet de s’approprier ce pan de l’histoire »

Patrice assure également des visites guidées en partenariat avec l’Office de tourisme de Caen.

Si le sujet vous passionne, on vous conseille pour commencer l’ouvrage de Patrice Gourbin sur Villers-Bocage.

Infos pratiques

Label Patrimoine de la Reconstruction en Normandie
Flers (Orne)
Trévières (Calvados)
Caen (Calvados)
Les Monts d’Aunay(Calvados)
Le Havre (Seine-Maritime)
Saint-Lô (Manche) : télécharger / feuilleter le parcours de la Reconstruction (pdf)
Saint-Hilaire-du-Harcouët (Manche)