Jacques Prévert pose sa plume dans le Cotentin

C’est ici, en Normandie, dans le Cotentin, que l’on retrouve Jacques Prévert. La Hague, cette terre sauvage, parfois austère (ou authentique), balayée par les vents et sculptée par les eaux tumultueuses, sera pour l’artiste une source d’inspiration exceptionnelle. Amoureux de ce coin de paradis perdu, il s’installe ici en 1970. Il passe les dernières années de sa vie aux côtés de son épouse dans sa petite maison d’Omonville-la-Petite. Préparons une feuille blanche, une plume et un peu d’encre pour vous raconter cette belle histoire.

Jacques Prévert, une plume exceptionnelle

Mondialement connu pour sa poésie, ses jeux de mots et son œuvre Paroles (parue en 1946), Jacques Prévert était un artiste complet. Cinéma, musique, théâtre et collage, il a influencé la scène artistique française. Des textes écrits dont le simple chuchotement nous replonge en enfance où nous récitions, jeunes, ces quelques vers :

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi,
Et le vent du nord les emporte,
Dans la nuit froide de l’oubli. 

Au cinéma, on retrouve Prévert aux côtés de Marcel Carné pour lequel il écrit le scénario du film Le Quai des Brumes. Tourné dans la cité océane du Havre, il réunit l’un des couples les plus iconiques du cinéma d’avant-guerre : Michèle Morgan et Jean Gabin. Autre artiste qui lia son destin à la Normandie en étant mobilisé en 1939 à Cherbourg puis en s’installant lui aussi en Normandie, dans l’Orne, à Bonnefoi. Mais ça, c’est une autre histoire.

Le Cotentin, le coup de foudre pour ce bout de paradis

Le coup de cœur de Prévert pour le Cotentin et la Hague se produit en 1930 quand il vient avec des amis et la compagnie de théâtre Octobre. Mais il ne s’installe définitivement à Omonville-la-Petite que six ans avant sa mort en 1971.

Port Racine, le plus petit port de France, inspire Jacques Prévert qui séjourne régulièrement à l’Hôtel L’Erguillère, dans la Chambre N°7. Depuis la fenêtre, il profite d’une vue spectaculaire. Ici tout est sauvage. Les lumières changeantes sur l’océan et la côte et le bruit provoqué par les assauts répétitifs de l’océan sont une source de repos. Sur les murs de la chambre sont inscrits quelques vers du poème de Jacques Prévert, Sables mouvants.

Au loin déjà la mer s’est retirée
Mais dans tes yeux entrouverts
Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles
Vents et marées
Deux petites vagues pour me noyer.

Prévert, Omonville et sa maison d’artiste

Conseillé par son ami Alexandre Trauner, rencontré sur les tournages des films de Marcel Carné, il achète cette jolie et modeste maison avec un petit jardin. Ouverte au public depuis 1995, la maison présente des œuvres de l’artiste, des écrits qui permettent de comprendre qui était ce personnage à la fois attachant et provocateur. Son atelier est l’une des pièces restées telle que la fréquentait Jacques Prévert. L’atmosphère régnante est saisissante.

Il repose aujourd’hui à quelques pas de la maison, dans le cimetière de l’église aux côtés de son épouse, de sa fille et de son ami de toujours Alexandre Trauner.

Le jardin, un hommage à Jacques Prévert

Gérard Fusberti, ami de Prévert, ouvre un jardin au public en 1987, proche de la maison de l’artiste, à Saint-Germain-des-Vaux. Pour lui rendre hommage, des grands artistes de l’époque plantent tour à tour des arbres : Montand, Vian, Gréco ou encore Picasso. En 2004, le jardin reçoit la labellisation « Jardins remarquables ». Au pied des arbres, des textes de Prévert sont écrits et offrent aux visiteurs un moment poétique hors du temps.

Pour finir, une anecdote… Une fois par semaine, Prévert se rend à Cherbourg, incognito, pour acheter une tarte aux pommes dans la pâtisserie Yvard. Un mercredi d’avril 1977, la propriétaire ne voit pas son « petit client du mercredi ». C’est le soir en regardant les informations qu’elle apprend la mort de jacques Prévert. Elle découvre que son « petit client du mercredi » n’est autre que l’un des plus grands poètes de la littérature française.